Biographie de Léon Perrin

Sculpteur. Né le 19 novembre 1886 au Locle (NE) - Mort le 29 novembre 1978 à Montézillon (NE).
Elève de Charles L'Eplattenier. Fonde les Ateliers d'Arts Réunis à La Chaux-de-Fonds avec Georges Aubert et Charles-Edouard Jeanneret (Le Corbusier). Enseigne à l'Ecole d'art et au Gymnase de La Chaux-de-Fonds. Bustes, bas-reliefs, oeuvres funéraires et monumentales.
Léon Perrin est issu d'une famille modeste et nombreuse originaire de Noiraigue et établie à La Chaux-de-Fonds. En 1900, il entre à l'Ecole d'art de La Chaux-de-Fonds où il suit un apprentissage de graveur-ciseleur. En 1904, il fait un voyage d'étude avec Georges Aubert en Suisse et en Italie. A son retour , il entre au Cours supérieur de décoration de Charles L'Eplattenier. En 1907, il entreprend un voyage d'étude avec Le Corbusier en Italie, dans les Balkans, à Budapest, à Vienne (stage chez Metzner et Stemolak), à Munich, Nuremberg, Strasbourg et à Paris (stage chez H. Guimard et à l'Ecole des Arts Décoratifs). Ainsi sa formation comprend trois phases. La première, celle de l'apprentissage, est purement technique: il acquiert le savoir-faire; la deuxième, celle du Cours supérieur, ajoute une dimension artistique et la troisième, celle des voyages d'étude, confirme la frivolité de l'art contemporain aux yeux de Perrin.
En 1909, il revient à La Chaux-de-Fonds où il fonde avec Aubert et Le Corbusier les Ateliers d'Arts Réunis sur le modèle du "Werkbund" allemand et des "Werkstätten" autrichiens. En 1911, dans le but d'établir une collaboration entre art et industrie, il crée avec Aubert, Le Corbusier et L'Eplattenier la Nouvelle Section de l'Ecole d'art de La Chaux-de-Fonds où il enseigne la composition ornementale jusqu'à sa fermeture en 1914. En 1913, il est un des membres fondateurs de "l'Oeuvre", association romande d'artistes, de commerçants et d'industriels. En 1914, il épouse Jeanne-Marie-Nathalie Benoît. En 1919, il fait partie du comité de rédaction des "Voix", revue littéraire, musicale et artistique chaux-de-fonnière. De 1929 à 1952, il enseigne le dessin au Gymnase et le modelage à l'Ecole d'art de La Chaux-de-Fonds. En 1960, une convention est passée entre Perrin et le gouvernement neuchâtelois selon laquelle Perrin fait don d'une centaine de ses oeuvres destinées à être exposées au Château de Môtiers. Depuis 1993, la Fondation Léon Perrin, créée en 1976, organise chaque année au Château de Môtiers une exposition liée à Perrin. Tout au long de sa vie, il participe à des expositions collectives en Suisse et à l'étranger (Paris où il reçoit la médaille de Vermeil de Lettres, Arts et Sciences en 1969, Charleroi où il reçoit la médaille d'Or en 1970 et le Prix d'Honneur en 1971 du Salon International).

Oeuvre de Léon Perrin

L'oeuvre de Perrin se divise en deux catégories: l'oeuvre graphique (dessins, aquarelles et gouaches) et l'oeuvre sculpté qui est la plus importante. Les nus, les portraits et les paysages, lacustres, vignerons ou jurassiens sont les principaux sujets de l'oeuvre graphique qui comprend aussi des dessins de voyages, des scènes militaires et quotidiennes , des études de costumes et des études préparatoires. Ses dessins aux lignes simples et amples ont illustré parfois des textes d'auteurs régionaux tels que ceux du pasteur Jämes Perrin, le frère de l'artiste. Toutefois la sculpture reste son art. Elle se répartit en trois domaines majeurs: les oeuvres monumentales, les bustes et les figures. Dans ses oeuvres monumentales, Perrin développe un style simplifié aux lignes épurées, aux mouvements amplifiés qui donne puissance à ses réalisations telles que le Monument à Léopold Robert à La Chaux-de-Fonds. Ses bustes, souvent de personnalités chaux-de-fonnières telles que l'écrivain J.-P. Zimmermann, sont marquants par leur naturel pétrifié, rappelant le réalisme des bustes romains. Ce naturel se retrouve dans la pose de ses figures qui sont la plupart féminines et solitaires et auxquelles il donne des titres mythologique, historique, biblique ou allégorique sans les affubler d'attributs distinctifs.
Ainsi, si les thèmes de sa sculpture s'inscrivent dans le répertoire traditionnel, leur traitement pose un problème: celui du titre par rapport à la représentation. Seul le titre fait qu'une sculpture de Perrin s'élève vers la mythologie, l'histoire ou l'allégorie ou alors s'abaisse à la scène de genre et au nu.

Léon Perrin et son époque

La période artistique pendant laquelle Léon Perrin vécut fut marquée par des révolutions esthétiques importantes tant en peinture qu'en sculpture et fut traversée par de grands noms: Rodin exprima puissamment la palpitation de la vie, Bourdelle traduisit la construction et l'architecture des formes, Maillol caressa les contours de femmes nues à la grâce charnelle, Renoir et Degas gardèrent dans leur sculpture le toucher lumineux de la matière. D'impressionniste qu'elle fut la sculpture devint cubiste avec Duchanp-Villon et Zadkine, puis abstraite avec Marini, Moore et Brancusi.
Malgré cette évolution artistique, Léon Perrin ne s'élança pas vers des voix abstraites, sans écho aux sens du sculpteur qui considérait l'art non figuratif comme passager et décoratif. Pour lui tout s'arrêtait à Rodin, Bourdelle, Maillol et Despiau.
Il demeura constant et fidèle non seulement au figuratif, mais aussi aux matériaux traditionnels tels la pierre, le bronze et le plâtre. Il ne se hasarda pas à conquérir de nouveaux espaces avec des matières métalliques ou plastiques, des fils de fer aériens, sans masse, forgés plutôt que sculptés.
Toutefois, aimant laisser la matière brute par endroits, l'artiste, par son refus du fini, demeure loin de tout traditionalisme académique si l'on considère la définition de Malraux: "Le fini est le caractère commun à toutes les sculptures traditionnelles". Léon Perrin crée en luttant contre la pierre ou en modelant la terre ou le plâtre qu'il habille parfois de bronze et anime ses oeuvres par le jeu des reflets lumineux sur les surfaces plus ou moins polies qui transmettent, la fraction d'un éclair, le fugitif mouvement de la vie à la forme sculptée. "La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, ?" écrivit Baudelaire qui précisa encore: "Une oeuvre faite n'est pas nécessairement finie, une oeuvre finie n'est pas nécessairement faite. (?) Pour que toute modernité soit digne de devenir antiquité, il faut que la beauté mystérieuse que la vie humaine y met involontairement en ait été extraite.". Le poète nous permettrait ainsi de considérer Léon Perrin comme un moderne, lui qui fit jaillir de la matière brute une figure qui peut à tout instant se noyer dans la masse génératrice et dont le non fini donne à la figure sa plénitude.

Marie-Eve Scheurer. Neuchâtel, avril 1998

Localisation des oeuvres

Môtiers, château, Fondation Léon Perrin. La Chaux-de-Fonds, Musée des Beaux-Arts. Le Locle, Musée des Beaux-Arts. Neuchâtel, Musée d'Art et d'Histoire.

Choix bibliographique

  1. Ecrits sur l'artiste

    Film sur le cinquantenaire du Gymnase de La Chaux-de-Fonds [on y voit Léon Perrin donnant une leçon de dessin à des élèves du Gymnase] , bibliothèque de La Chaux-de-Fonds.

    Maurice Jeanneret, Léon Perrin, sculpteur, Neuchâtel: La Baconnnière, 1949.

    Inventaire suisse d'architecture: 1850-1920 (INSA), Berne: Société d'histoire de l'art, 1982, pp. 127-217.

    Le Corbusier, une encyclopédie, Paris: Centre Georges Pompidou, 1987.

    La Chaux-de-Fonds et Jeanneret avant Le Corbusier, La Chaux-de-Fonds: Musée des Beaux-Arts, 1987.

    Jean-Marc Barrelet/Jacques Ramseyer, La Chaux-de-Fonds ou le défi d'une cité horlogère (1848-1914), La Chaux-de-Fonds: éd. d'En Haut, 1990.

    Patrice Allanfranchini/Olivier Bauermeister/Gérald Comtesse/Pierre-André Delachaux/Cathy Gfeller/Jean-Pierre Jelmini/Jean-Paul Robert/Walter Tschopp/Marc-Olivier Wahler, L'art neuchâtelois, deux siècles de création, Hauterive: Gilles Attinger, 1992, pp. 121-170.

    Marie-Eve Scheurer, Léon Perrin, sculpteur, mémoire de licence, université de Neuchâtel, 1994, [catalogue de l'oeuvre sculpté dans les collections publiques].

  2. Ecrits de l'artiste

    Georges Aubert/Charles-Edouard Jeanneret/Charles L'Eplattenier/Léon Perrin, Un mouvement d'art à La Chaux-de-Fonds, La Chaux-de-Fonds: Ecole d'art, 1914.

    Léon Perrin, L'institut neuchâtelois: du passé au présent, in: Cahier neuchâtelois, 1966, No 8, juillet, pp. 67-73.

    Léon Perrin/André Tissot, Autour de la Ferme du Grand-Cachot-de-Vent, Fondation du Grand-Cachot-de-Vent, 1988, pp. 79-84.

    Léon Perrin, [Récit autobiographique], in: Léon Perrin, La Chaux-de-Fonds, Musée des Beaux-Arts, 4.3.1972-26.3.1972, La Chaux-de-Fonds: Musée des Beaux-Arts, 1972 [catalogue d'exposition].


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