Marcel Mathys
Notice biographique
Sculpteur. Né le 21 février 1933 à Neuchâtel. Vit actuellement à Auvernier (NE). Etudie la peinture et la gravure avec Georges Dessousavy et le modelage avec Léon Perrin à l'Ecole d'art de La Chaux-de-Fonds. Dès 1960 nombreuses expositions collectives et personnelles en Suisse et à l'etranger.
Bibliographie
Mathys, Paris, Galerie Visconti / Lausanne, Galerie L'Entracte 1979, publié à l'occasion de son exposition.
Mathys, Neuchâtel, Musée d'Art et d'Histoire 1987, publié à l'occasion de son exposition.
Marcel Mathys se souvient de Léon Perrin
En 1949, quand j'ai commencé à fréquenter l'Ecole d'art de La Chaux-de-Fonds, Léon Perrin n'était pas un inconnu pour moi. A l'école primaire, mon instituteur ayant été malade, Charles-Bernard Jeanneret, enseignant retraité et peintre amateur, qui avait animé avec succès la petite école des Monts sur Le Locle, le remplaça pendant quelque temps. Or à cette époque, il était mandaté pour suivre la réalisation du monument des Girardet par Léon Perrin. Inutile de dire que le programme scolaire passait à l'arrière-plan. Charles-Bernard Jeanneret nous décrivait ce qu'il avait vu la veille dans l'atelier de Léon Perrin, nous parlait de l'artiste, de son travail, de ses sculptures, ce qui nous faisait rêver, imaginer l'artiste un peu sorcier dans son antre.
Ce matin d'avril 1949, quand je fis mon entrée dans l'atelier de modelage, les élèves externes préparant le brevet d'enseignement du dessin m'accueillirent: " Tu t'appelles Matisse, comme Matisse ? ". Evidemment, l'autre, je ne le connaissais pas. Quant à Léon Perrin, plus énigmatique, il m'appela " Mathis le peintre ", allusion à " Mathis der Maler " de Paul Hindemith, que j'appris également à connaître par la suite. Les cours de Léon Perrin étaient divisés en trois: le jeudi matin, avec les élèves bijoutiers et graveurs, l'après-midi et le soir étant réservés au modèle vivant. Les premiers étaient axés sur le métier, la copie de plâtres et la création d'éléments décoratifs à partir de végétaux (la dent-de-lion remplaçait aisément la feuille d'acanthe).
N'oublions pas que Léon Perrin fut élève de L'Eplattenier qui sut, avant le Bauhaus, ne faire qu'un avec le métier, l'artisanat et l'art. Léon Perrin nous expliquait avec beaucoup de patience les règles du bas-relief, qu'il fallait connaître puis oublier ou transgresser sciemment. Quand il corrigeait notre travail lentement, calmement (rien de "l'agité inspiré"), ses gestes, ses interventions, sa manière d'aborder la terre en disaient plus que mille " théories théoriciennes " concernant l'art. Au cours avec modèle vivant, il nous incitait à prendre des libertés face au modèle, à essayer de découvrir notre personnalité pour autant que nous en possédions une, à voir sans préjugé, à analyser, à acquérir le sens des volumes, à profiter de ce qui se présentait et, surtout, à maîtriser les profils. Pendant ce cours, il se montrait plus caustique et méfiant à l'égard de l'art contemporain. Or parallèlement au cours de modelage, je suivais celui de peinture donné par Georges Dessouslavy et me trouvais de ce fait pris entre deux maîtres et deux avis différents; ce qui ne me parut jamais être une contradiction, mais bien plutôt une complémentarité
Au début des années 60, Remo Rossi, sculpteur bien introduit dans les milieux artistiques de l'époque et pour lequel j'éprouvais une grande admiration , me déclara que Léon Perrin était un bon sculpteur, mais qu'il n'avait pas évolué (en quelque sorte, qu'il n'avait pas su se mettre a la mode). Or 35 ans plus tard, on ne voit plus dans l'oeuvre de Rossi que la démarche des années 50, la filiation à Manzu et Marino Marini, ainsi qu'un post-cubisme; tandis que chez Léon Perrin certaines réalisations telles que les portraits et " Pénélope " entre autres restent toujours des bases, des oeuvres à partir desquelles on peut rebâtir; car elles appartiennent à l'histoire de la sculpture et non à une certaine époque de la sculpture. Il est vrai que c'est surtout dans les formats proches de sa main et de son geste que Léon Perrin était à l'aise. Cet esprit d'analyse, cette perception toujours en éveil firent de lui le magnifique portraitiste que nous connaissons.
Marcel Mathys
mai 1996
Textes autour de Marcel Mathys
Sculpture : art aussi d'aveugle...
Guidée,
peu faite pour les brisures et les écorchures, la main (de pétrisseur, non de carrier) ne connaît pas de cesse, prise, éprise interminablement, inlassablement suit une courbe, un plat (fossette, arrondi), heureuse de perdre ses repères (cou, hanche, croupe), se remémore, invente, jamais arrêtée, reprend par mille détours la même reconnaissance (corps, naissant désir), erre, fait le tour (une ronde bosse), se plie aux inflexions, aux modulations d'une voix tue (pierre comme chant), se laisse aller, paume, doigts aimantés, choyant, remodelant, ployant pierre ni femme, pierre, femme (non objet) comme une eau jaillissante, rêvée.
Creux, vagues brûlantes, fraîches, attisées scintillent.
Pierre Chappuis
janvier 1979
" Pierre comme Chant ",
catalogue de l'exposition Mathys,
galerie Visconti, Paris,
galerie l'Entracte, Lausanne
Si toutes les formes nous paraissent statiques, certaines toutefois peuvent être mouvantes, comme les vagues marines. C'est à cela que je songe devant les sculptures de Mathys.
Denses, monumentales, de tout leur poids elles font corps avec la terre dont elles sont issues et en même temps un irrépressible élan jaillit du plus profond dedans vers le dehors, de l'intérieur vers l'extérieur, l'air, la lumière.
Ainsi se conjuguent forme et mouvement, ou, si l'on préfère espace et temps.
C'est dans cette contradiction vécue et revendiquée que la sculpture de Mathys, paradoxale comme toute vie, à la fois sereine et violente, atteint à la plénitude et me comble. Musique et contemplation.
Léon Zack
Au sein de la sculpture de Mathys se trouve la lutte entre le souvenir de la trace humaine et l'évocation de l'éternité.
Un mortel crée une oeuvre de laquelle naît un corps non fini en proie à l'évanouissement de la mémoire et de la matière.
Un regard caresse, observe, saisit.
Une main touche, voit, détaille.
Un corps vibre, vit, danse, se mêle, se démêle, s'entremêle à la masse comme un être à un autre ou alors est englouti, enseveli par le bronze.
Un corps matière lutte contre le temps qui s'oxyde, s'érode, la vie qui s'évanouit.
Marie-Eve Scheurer
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